L’état psychogène de la femme africaine : Une étude de cas des immigrantes africaines au Canada et la réponse de la TCLI

Auteurs :  Coker Towunmi Priscilla, Ediale Becky, Oyedeji Olayinka

Introduction 

Les femmes sont essentielles à la survie de la cellule familiale en raison de leur résistance, de leur vigueur et de leur ingéniosité. Ils font également preuve de ces vertus en contribuant à la communauté locale et à l’économie du pays. En raison de l’incapacité de plusieurs immigrants au Canada à décrocher l’emploi de leurs rêves, même s’ils sont suffisamment qualifiés, la résilience des femmes noires les pousse à accepter des emplois subalternes (Okeke-Ihejerika et al., 2018). Comme le décrit le rapport d’Okeke-Ihejerika et al. (2018), les femmes qui effectuent ces travaux subalternes assument souvent des rôles de premier plan (soutiens de famille) dans leur foyer et dans la communauté et sont donc soumises à une pression immense pour répondre aux attentes de la famille et de la carrière, couplée à d’autres problèmes existants auxquels elles sont déjà confrontées. Dans ce rapport, nous décrivons les multiples obstacles auxquels les femmes noires immigrées sont confrontées, y compris les limitations qu’elles subissent par rapport aux hommes de la même race ou aux femmes d’autres races, ainsi que la réponse de la fondation Towunmi Coker Literacy Initiative (TCLI).

La naissance du projet « Sisterhood

La littérature a montré que les femmes noires sont marginalisées en raison de leur race et de leur sexe, bien que leur valeur socio-économique soit incommensurable (Jagire, 2019). Les femmes immigrées sont généralement responsables de l’établissement et du maintien de leurs valeurs ethnoculturelles tout en s’intégrant au processus de migration. En outre, des études montrent que les femmes immigrées trouvent généralement des emplois subalternes plus rapidement que leurs homologues masculins (Okeke-Ihejerika et al., 2018). Ils sont donc essentiels à la survie économique de la famille. Cela souligne la nécessité de fournir des stratégies, des structures et des paradigmes pour créer des environnements favorables (opportunités) permettant aux femmes noires immigrées de se développer et de s’épanouir de manière holistique. C’est en réponse à cette situation que la fondation TCLI a conçu des programmes visant principalement à identifier les obstacles et les lacunes auxquels sont confrontées les femmes africaines-canadiennes et à orienter ces expériences vers l’autonomisation socio-économique.

La Towunmi Coker Literary Initiative Foundation (TCLI Foundation) est une organisation à but non lucratif basée au Canada qui utilise des outils de programmation sociale et éducative dans trois piliers fondamentaux – éducation de qualité, éducation financière et pratiques sanitaires sûres – pour améliorer la qualité de vie des communautés « mal desservies ». La fondation a lancé le projet « Sisterhood » en juillet 2020 afin d’offrir un espace sûr aux femmes immigrées africaines qui souhaitent dépasser leurs difficultés et avoir un impact sur leur société. Le projet est conçu comme une plateforme à long terme axée sur les projets et visant à renforcer l’autonomie des femmes noires par le biais de stratégies d’impact spécifiques. Pour ce faire, il était impératif de comprendre en profondeur les problèmes rencontrés par ces femmes. Au cours d’une approche interactive de huit semaines le samedi pour trente-trois (33) participantes, comprenant sept réunions virtuelles et une réunion en personne au lac Wabamun, nous avons cherché à comprendre ce qui motive ces femmes et les défis – réels et perçus – auxquels elles sont confrontées. Les discussions au cours des réunions virtuelles ont porté sur des sujets essentiels tels que l’image de marque personnelle, le bien-être mental, la vie en tant qu’immigrante, l’émancipation économique des femmes, les femmes et la santé mentale, la création d’entreprise, les mécanismes d’adaptation, le renforcement de la résilience des femmes africaines et l’émancipation financière.

Un problème commun a été soulevé au cours des discussions : ces femmes ont toutes rencontré des obstacles pour trouver un emploi, même lorsqu’elles étaient suffisamment qualifiées. Parmi les raisons les plus courantes pour lesquelles les participants n’ont pas réussi à décrocher un emploi, il y a le fait d’avoir été informés qu’ils n’avaient pas d’expérience au Canada et même parfois d’être surqualifiés pour certains postes.Même lorsque j’ai fait tout ce qu’il fallait et que j’ai atteint la dernière étape de l’entretien, je n’ai toujours pas obtenu le poste. Peut-être que quelque chose m’échappe. » Cette situation n’est pas rare, car des histoires similaires ont été rapportées d’un participant à l’autre. La nécessité d’obtenir une certification dans presque toutes les professions au Canada est un point qui a été constamment mis en avant au cours de ces conversations. Bien que l’on ne puisse sous-estimer l’importance de la pratique de la licence, le fait de naviguer dans des carrières alternatives tout en travaillant à leur profession principale était un exploit qui semblait souvent insurmontable, mentalement épuisant pour la plupart des immigrés, et qui avait un impact négatif significatif sur leur estime de soi. Parmi les autres problèmes cités figurent le manque d’accès aux ressources communautaires, l’insuffisance des groupes de soutien, le stress financier et économique, ainsi que la pression exercée par la prise en charge de la famille. Même si la plupart des participants ont émigré au Canada au cours des deux à cinq dernières années, les problèmes étaient en grande partie similaires. Les questions sont restées en suspens : Le système n’a-t-il pas évolué au cours des cinq dernières années ? Comment les femmes immigrées fonctionnent-elles au maximum de leurs capacités tout en s’adaptant à de nouvelles cultures, cuisines, langues, conditions météorologiques, etc. tout en étant une minorité raciale visible ? Quels systèmes et structures peuvent être mis en place pour traiter correctement ces questions ?

La Fondation TCLI, à travers ces conversations, a cherché à mieux comprendre les obstacles auxquels les femmes migrantes sont confrontées et l’impact sur leur santé mentale. La fondation a réalisé que si les femmes immigrées africaines sont responsabilisées par l’éducation et l’accès à des programmes et activités de bien-être mental, une base solide est établie sur laquelle elles peuvent construire des relations durables, accéder à des ressources communautaires précieuses, rechercher un soutien en matière de santé mentale, ainsi que tirer parti de réseaux pertinents pour atteindre leurs objectifs à court terme. Par conséquent, ces femmes deviendront plus sûres d’elles-mêmes, plus conscientes de leur valeur et plus à même de relever les défis de la navigation dans un nouveau territoire. Tous ces éléments donnent le ton d’une société équilibrée à long terme. La réunion en personne a été l’occasion d’organiser des activités physiques/sociales de loisirs et de bien-être en plein air.

À la fin du programme de huit semaines, le souci de leur santé mentale figurait en tête de liste des questions les plus importantes pour ces femmes. Cela semble un peu surprenant puisque la fondation a émis l’hypothèse au départ que l’obtention d’un emploi (qui arrive en deuxième position) serait en tête de liste, alors que l’entretien de la maison et l’intérêt pour la famille sont étonnamment placés en bas de la liste. Il est donc logique que les questions de finances, d’emploi, de prise en charge de la famille et de sécurité économique aient un impact direct sur la santé mentale et le bien-être de ces femmes migrantes. Les immigrantes africaines, quel que soit leur lieu de naissance, partagent des histoires similaires de manque d’accès aux opportunités et de nombreux obstacles lors de leur arrivée au Canada, ce qui les soumet à un stress mental important et, par inadvertance, à celui de leur famille. Il convient de noter que les problèmes de santé mentale dans les pays africains d’où proviennent ces femmes ne sont pas encore largement reconnus ou, s’ils le sont, ne sont pas traités de manière adéquate. Par conséquent, il existe un risque de négliger l’instabilité de la santé mentale dans ce groupe, qui peut être soit sous-estimée, soit non signalée. C’est ce que reconnaît une étude de Januwalla et al. (2018), qui souligne la nécessité d’une transformation dans l’élaboration et la mise en œuvre de programmes de santé sexospécifiques. La Fondation TCLI, par le biais de ce rapport, souligne la nécessité d’identifier les indicateurs qui mettent en évidence le besoin d’intervention en matière de santé mentale chez les femmes d’origine africaine au Canada, et d’orienter les politiques et les programmes ciblés pour mieux les intégrer dans la société.

Impact perçu du projet

Les participants ont partagé leurs expériences personnelles et ont fourni des informations utiles sur le sujet. Au fur et à mesure que les questions étaient abordées, il était stupéfiant d’entendre les histoires et de voir de première main la fameuse résilience de la femme africaine. Ces femmes ont reconnu collectivement que l’événement organisé par la fondation leur a offert un espace sûr où elles ont pu parler librement de ces questions, nouer des contacts avec d’autres femmes et avoir accès à des ressources essentielles.

Les femmes noires méritent en effet d’être davantage soutenues, sous la forme d’un financement des entreprises locales, des start-ups et des organisations à but non lucratif, d’une communauté de soutien, de programmes de bien-être social et de santé mentale. Une étude de Gagnon et al. (2013) ont déclaré que les femmes migrantes représentaient une proportion plus importante de l’augmentation des naissances dans leur pays de destination, et qu’il était donc absolument nécessaire que les politiques et les interventions axées sur les migrants s’attaquent aux problèmes de santé de ces femmes.

Un suivi des participants a révélé une attitude optimiste, la majorité d’entre eux affirmant que leur santé mentale s’était améliorée après avoir profité des diverses ressources fournies par la fondation. Une participante a déclaré: « Venir au Canada peut être très intimidant parce que vous quittez votre lieu d’établissement pour un nouveau territoire, mais j’ai été inspirée par d’autres femmes qui m’ont précédée et qui ont réussi à accomplir de grands exploits« .

Recommandations

En engageant les femmes migrantes africaines dans des conversations qui portent sur les questions qui les concernent directement, elles seront mieux à même de prendre soin d’elles-mêmes et de leurs familles, ce qui aura un effet positif sur la société. Il est nécessaire de susciter davantage de conversations autour des questions identifiées, en mettant l’accent sur la sensibilisation à la santé mentale pour ce groupe. Il est également nécessaire de mener des études supplémentaires sur le groupe de discussion afin d’évaluer l’effet des divers programmes d’intervention existants du gouvernement et des agences d’immigration, avec une représentation appropriée de ces femmes migrantes. En outre, il est également essentiel de créer des programmes d’intervention ciblés avec la participation active de ce groupe dans la conception et la mise en œuvre.

Références

Gagnon, A.J et al. 2013. Developing population interventions with migrant women for maternal-child health : a focused ethnography (Développer des interventions auprès des populations de femmes migrantes pour la santé maternelle et infantile : une ethnographie ciblée). BMC Public Health, 13:471, https://doi.org/10.1186/1471-2458-13-471.

Jagire, J. 2019. Les femmes immigrées et le lieu de travail au Canada : Organizing Agents for Social Change. SAGE Open: 1-8, https://doi.org/10.1177/2158244019853909

Januwalla, A. et al. 2018. Interventions visant à réduire les effets néfastes sur la santé des manifestations de préjugés sexistes au sein des populations immigrées : une étude exploratoire. BMC Women’s Health,18:104, https://doi.org/10.1186/s12905-018-0604-2.

Okeke-Ihejerika, P. et al. 2018. L’expérience des immigrantes africaines dans les sociétés d’accueil occidentales : A Scoping Review. Journal of Gender Studies 27 (4) : 428-444.